Féministe Battue
« Un homme peut donner des claques à sa femme ou sa
copine pour la calmer, ce n’est pas grave, je ne vois pas le mal. »
Je la regarde.
C’est mon amie, une femme qui vient de dire ça. Je tombe des nues. Mon
regard sur elle ne sera plus jamais le même évidemment puisque nous n’avons pas
les mêmes objectifs de vie. Pendant que je me bats contre les violences sexistes
et sexuelles envers les femmes chaque jour de ma vie, pour elle, il y a des
choses pas graves. Soit.
Flashback
Autant que je m’en souvienne, j’ai toujours été féministe.
Ces idées ont germé dans mon esprit quand j’étais encore sur ma terre natale grâce à mon simple sens de l’observation et sans avoir lu ne serait ce qu’un seul livre.
Dans mes premières années, je me cherchais encore et j’avais
un petit ami. Naïve, je partageais avec lui mes pensées et lui comme beaucoup d’hommes, disait
: « oui je comprends, c’est important » avec une expression la plus nonchalante qui soit. J’aurai
dû comprendre qu'eux les hommes, vis-à-vis de tout ça, font semblant.
Puis, ce jour arriva. Il leva la main sur moi. Il me gifle, ma tête cogne brutalement le mur. J’essaye de m’enfuir, il me rattrape. Il me
jette sur le lit, me demande de me mettre à genoux, je hurle. Il me rappelle tout ce
qu’il a fait pour moi, à quel point il m’a aimée et moi, je réponds à un message
de ce mec. Non, je n’aurai pas dû. Il est jaloux. Je n’aurai pas dû lui parler après
qu’il m’ai fait ce reproche. Mes cris alertent
les voisins. Un homme vient taper à la porte. Il ouvre. L’homme me voit. Mon
bourreau lui dit que tout va bien pendant que je lui dis « aidez-moi s’il vous plait ».
Cet homme le regarde, puis me regarde et cet homme décide puisqu'un homme lui a dit que tout va bien de fermer les yeux. Cet
homme décide d’aller dire aux autres voisins que tout va bien malgré le fait
que je lui ai dit « il me bat ». Cet homme ? C’est juste un
homme comme ces nombreux hommes qui considèrent
que « tout va bien », ces hommes qui sont complices d’autres hommes
violents, mais aussi c’est juste une personne comme cette amie qui m’a dit que
donner des claques à une femme pour la calmer « ce n’est pas bien grave. »
Je vais vous passer le pourquoi du comment, mais je suis partie.
J’ai mis du temps, mais je l’ai quitté. Je suis partie mais, j’avais
HONTE. Pourquoi j’avais honte ? J'avais honte parce que j’étais et je suis FÉMINISTE.
Moi une féministe BATTUE, je ne pouvais en parler à personne. Que diraient les gens ? Les autres ? Moi qui défendais les droits des femmes battues
et qui n’a pas pu en parler ? J’ai compris ce jour-là que la critique est facile, j’ai compris que cela peut arriver à n’importe quelle femme, j’ai compris
à quel point il est difficile de s’en aller mais j’ai surtout compris à quel
point LA CULPABILITÉ est grande.
Je viens d’écrire cet article « Shap shap » comme
on dit chez moi en Côte d’ivoire. Après tant d’années, je ressens le besoin d’en
parler. Pas parce que je n’ai plus honte, mais parce que j’ai rencontré des
femmes qui m’ont apprise le sens de la sororité. J’ai rencontré des femmes qui
ont essayé de me faire comprendre que ça n’était pas ma faute même si je le
pense toujours.
Commentaires
Enregistrer un commentaire